Lettre ouverte à Monsieur le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé

Montréal, le 6 juin 2025

Monsieur le Premier ministre,

Il vous a été donné, dans les circonstances les plus tumultueuses de notre histoire contemporaine, d’accéder à une fonction parmi les plus prestigieuses de la République. Un poste symboliquement lourd, politiquement chargé, citoyennement engagé, et profondément abîmé par des années d’échecs, de compromissions et de trahisons.

Le destin vous a ainsi placé à la tête d’un État vacillant, à un moment où la population haïtienne, exténuée, asphyxiée, aspire désespérément à respirer, à se relever, à vivre enfin comme des êtres humains à part entière.

Depuis plusieurs années, Haïti est embourbée dans une crise multiforme : insécurité généralisée, effondrement des institutions, pauvreté chronique, isolement territorial, effritement du lien social. Les gangs armés dictent leur loi, les routes nationales sont coupées, les familles sont prises en otage, les écoles fermées, les entreprises étranglées, et la majorité silencieuse abandonnée.

Et pendant ce temps, les communiqués se succèdent, les discours creux s’empilent, les cérémonies se multiplient… mais la réalité du peuple demeure inchangée : la peur, la faim, l’humiliation.

Dans ce contexte, la récente annonce d’un protocole d’accord entre votre gouvernement et la compagnie Sunrise Airways pour la reprise des vols domestiques sonne davantage comme une opération cosmétique que comme une solution structurelle. Peut-on véritablement parler de « désenclavement » quand les routes nationales sont livrées aux bandits et que la mobilité terrestre reste un luxe dangereux?

Peut-on se réjouir d’un partenariat avec une seule compagnie privée, aux tarifs exorbitants et à la qualité de service contestée, sans aucune volonté apparente de garantir une saine concurrence ou de protéger les consommateurs?

Ce que réclame la population, Monsieur le Premier ministre, ce n’est pas de voler au-dessus des braises, mais de marcher librement sur sa propre terre.

Vous avez été, rappelons-le, ancien candidat au Sénat. Vous avez milité, rêvé sans doute, d’un pays meilleur. Aujourd’hui, vous avez l’occasion rare d’inscrire votre nom non pas parmi ceux qui se sont servis de l’État, mais parmi ceux qui ont servi l’État.

Mais pour cela, il vous faudra élever le poste de Premier ministre à la dignité qu’il incarne dans les grandes démocraties du monde. Il vous faudra rompre avec les politiques politiciennes, avec la gestion de façade, avec les alliances douteuses qui n’ont fait que diviser, appauvrir et fragiliser notre nation.

Ne soyez pas un nom de plus dans la longue liste des responsables qui ont échoué. Ne soyez pas une pâle copie de [•••] Claude Joseph, d’Ariel Henry ou de Garry Conille. Soyez celui qui aura tenté l’impossible avec courage et intégrité.

N’oubliez pas que vous composez avec un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) dont l’échec est aujourd’hui patent. Trois de ses figures les plus exposées ne sont désormais connues que pour avoir braqué la confiance d’un peuple meurtri. Leurs noms, soyez-en sûr, finiront dans la poubelle de l’histoire, au même titre que ceux de tous les imposteurs qui ont piétiné le destin collectif.

L’échec du CPT est aussi l’échec d’une classe politique moribonde, désuète, déconnectée, à bout de souffle. Cette élite fanée, incapable de penser l’avenir autrement que comme un marché de partage ou une rente à préserver.

Monsieur le Premier ministre,

Le temps n’est plus aux faux-semblants. Il ne s’agit plus de plaire à un clan, de rassurer une coalition ou de satisfaire une compagnie aérienne. Il s’agit de sauver une nation.

Vous êtes aujourd’hui face à un choix historique : entrer dans l’histoire par la petite porte du silence complice, ou par la grande porte de l’action courageuse. Le pays vous regarde. L’histoire vous jugera.

Haïti n’a pas besoin d’un Premier ministre décoratif. Elle a besoin d’un homme d’État. À vous de décider.

Pour le peuple. Pour la dignité. Pour la mémoire.

Bélizaire Raphaël, Haïtien authentique – Citoyen engagé –

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