À l’attention des membres du Conseil présidentiel de transition, du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et du directeur général de la Police nationale d’Haïti, Rameau Normil.
Messieurs,
Combien de cadavres faudra-t-il encore empiler pour que vous sortiez de votre torpeur ?
Combien de cris faudra-t-il encore entendre pour que vous daigniez enfin gouverner, protéger, agir ?
Après encore l’assassinat ignoble de nos policiers à Liancourt, la chose la plus basse, la plus vile et la plus triviale que vous puissiez faire, comme à l’accoutumée, c’est de publier des notes de dénonciation, de condamnation.Des mots froids, vides, sans portée. Des notes creuses qui résonnent comme des larmes hypocrites versées dans le silence de votre incompétence.
Comment osez-vous ?
Comment ceux-là même qui –conscients de la réalité de l’heure – ont été investis de la mission sacrée de faire régner l’ordre et de garantir la paix publique peuvent-ils se contenter de dénoncer les atrocités des gangs armés, comme de simples citoyens accablés ?
Vous n’êtes pas des observateurs. Vous êtes les acteurs principaux de cette pièce tragique qu’est devenue Haïti.
Et pourtant, à chaque drame, à chaque massacre, vous sortez votre plume maculée de sang pour souiller et insulter la mémoire des victimes, au lieu de prendre vos responsabilités.
Pendant ce temps, les gangs brûlent, tuent, violent, dépouillent.
Ils le font au grand jour, avec arrogance, sans crainte, parce qu’ils savent qu’en face, il n’y a que le vide.
Le vide d’un État qui abdique.
Le vide de dirigeants sans colonne vertébrale dont l’indifférence et l’insouciance frôlent l’indécence
Le vide de mots qui ne sauvent personne.
Pourquoi continue-t-on à vous appeler « autorités » quand vous n’avez plus ni autorité ni légitimité morale ?
Votre silence est complice.
Votre indifférence est criminelle.
Votre inaction est une trahison.
Et votre indignation feinte est une insulte à la douleur du peuple haïtien.
Haïti est peut-être le seul pays au monde où ceux qui sont censés incarner la force de la loi se confondent si lamentablement avec les citoyens désarmés.
Ce peuple que vous prétendez représenter ne demande pas le luxe, ni le confort. Il demande simplement de vivre. Vivre en sécurité et en toute quiétude d’esprit. Il demande de respirer. D’envoyer ses enfants à l’école sans craindre une rafale. De marcher dans la rue sans croiser la mort.
Il demande ce que tout peuple mérite : la dignité, le respect de ses dirigeants et la sécurité.
Si vous n’avez ni la volonté, ni le courage, ni la compétence pour assumer votre rôle, ayez au moins la décence de vous retirer.
Ne continuez pas à faire couler le sang d’un peuple qui n’aspire qu’à vivre en paix.
Car gouverner, ce n’est pas commenter la tragédie.
C’est s’y opposer avec courage.
C’est protéger les vivants.
Et honorer les morts — par des actes et non par des mots.
Bélizaire Raphaël